Le petit renne de Jalan

Le petit renne de Jalan

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Le Petit renne de Jalan
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Assis sur la balançoire du minuscule jardin de la maison qu’il occupait avec sa mère, le petit Jalan fixait le ciel d’un air rêveur. Il commençait à faire sombre. Sa maman ne tarderait plus à l’appeler pour qu’il rentre, mais il s’en moquait. Pour l’instant, tout ce qu’il désirait, c’était pouvoir rester là et contempler l’étendue bleue qui se parait de teintes rosées sous l’instance de l’hiver. Il avait enfin trouvé ce qu’il allait demander au père Noël cette année et cela le remplissait de joie.

Aussi, quand sa mère l’interpella depuis le perron, il se précipita à sa rencontre tant il était pressé de lui en parler. Dans son excitation, il ne remarqua pas son air encore plus fatigué qu’à l’ordinaire.

— Maman !

Avec un faible sourire, elle lui répondit :

— Rentre maintenant, mon grand, il commence à se faire tard.

— Tu d’vineras jamais quoi !

— Rentre, le réprimanda-t-elle gentiment.

Étonné qu’elle ne lui rétorque pas « dis-moi tout » comme à son habitude, Jalan n’en obéit pas moins pour autant.

Lorsqu’il fut de retour à l’intérieur, il l’interpella de nouveau :

— Maman, maman !

— Jalan, je suis fatiguée… s’excusa-t-elle en portant une main à sa tête.

— C’est important ! insista-t-il, ne se déparant pas de sa bonne humeur.

Il était convaincu qu’avec ce qu’il allait lui apprendre, elle recouvrerait le sourire.

— Bien… Qu’y a-t-il, mon cœur ?

Jalan sourit de plus belle :

— Je sais ce que je vais demander au père Noël cette année !

Contrairement à ses attentes, sa mère parut encore plus triste. D’un geste gêné, elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille gauche. Même du haut de ses six ans et demi, il comprit qu’elle devait lui dire quelque chose d’important.

— Qu’est-ce qu’y a, maman ?

S’agenouillant à sa hauteur, elle lui attrapa les mains et prit le temps de peser chacun de ses mots :

— Jalan… je sais que ce n’est pas facile, mais cette année, il se pourrait… que le père Noël ne vienne pas et…

— Quoi ? s’étonna Jalan. C’est pas possible, il passe chez tout l’monde !

Elle grimaça :

— Tu te souviens, je t’ai dit la semaine dernière que toi et moi, on allait vivre des moments plus difficiles à cause de… enfin, tu vois de quoi je parle.

— Oui, acquiesça l’enfant. Mais pourquoi ça ennuie aussi l’père Noël ?

Sa mère soupira. Elle aurait tant voulu ne pas le décevoir.

— Jalan, il… Le père Noël ne passera pas, je suis désolée…

Prononcer ces simples mots lui brisa le cœur. Elle aurait tant désiré lui offrir un Noël digne de ce nom, avec une multitude de cadeaux et un vrai sapin trônant dans leur salon. Les temps étaient cependant durs et c’est à peine si elle avait pu acheter un minuscule conifère en plastique pour l’occasion. Au moins, se consolait-elle, son fils avait pris plaisir à le décorer.

— Il nous aime plus ? l’interrogea-t-il.

— Si, bien sûr que si, le détrompa-t-elle, les larmes aux yeux.

— Alors pourquoi il vient pas ?

— Viens t’asseoir à côté de moi, le pria-t-elle en se dirigeant vers le canapé, j’ai une histoire à te raconter.

L’enfant ne rechigna pas et s’exécuta. Il adorait les histoires depuis toujours, mais celle-ci l’inquiétait. Il ne comprenait pas ce qui pouvait pousser le père Noël à ne pas leur rendre visite cette année. Surtout qu’il n’avait jamais autant désiré le cadeau qu’il demandait !

Une fois qu’ils furent bien installés, sa mère retrouva un peu d’assurance et prit la parole :

— Dis-moi, Jalan, as-tu déjà entendu parler de Rudolphe ?

Il n’eut même pas besoin de réfléchir pour répondre à la question :

— Oui, c’est un renne !

— Tu as raison, mais ce n’est pas qu’un simple renne.

— Vraiment ?

— C’est lui qui guide le traîneau du père Noël.

— Je m’en souviens. Tu l’avais d’jà dit ! rit-il.

Attendrie, sa mère continua son récit :

— Eh bien, malheureusement, Rudolphe s’est blessé… Cette année, il ne pourra pas orienter le père Noël.

— C’est pour ça qu’il vient pas ?

Elle acquiesça, heureuse d’avoir pu lui fournir une explication qu’il acceptait.

— C’est pas si grave alors, conclut l’enfant.

Réfléchissant, il ajouta :

— On pourra quand même laisser une carotte pour Rudolphe ? Pour qu’il guérisse plus vite ? Peut-être qu’un elfe aura l’temps de la prendre ?

— C’est d’accord, on fera ça, sourit-elle.

— Merci !

— Va jouer maintenant, s’il te plaît, le pria-t-elle. Maman est fatiguée et doit encore préparer à manger.

Jalan lui offrit un câlin et partit vers l’étage.

Une fois dans sa chambre, il ferma la porte et s’approcha de la fenêtre. Il l’ouvrit et, à nouveau, regarda le ciel. Il tendit l’oreille et vérifia que sa mère ne montait pas ; il lui restait une chose essentielle à faire aujourd’hui. D’une petite voix, il prit la parole en fixant toujours le lointain :

— Père Noël ? J’suis pas sûr que tu m’entends, mais si oui, et si Rudolphe va mieux, est-ce que tu peux quand même essayer de passer ? Cette année, j’ai un cadeau très important à te demander. Vraiment très important.

L’enfant fit une pause, espérant une réponse. Rien ne vint. Il ne se laissa pas décourager et poursuivit sa requête :

— Voilà. Je sais pas si t’es au courant : ma maman est malade. Elle dit qu’elle a un… un cancer, j’crois. Tu… tu veux bien la soigner ? J’aimerais que ma maman aille mieux pour Noël, qu’elle puisse sourire autant qu’avant. S’il te plaît. Je suis sûr que toi, tu peux faire quelque chose.

À nouveau, le petit garçon se tut un instant et attendit. Bien qu’il ne reçût pas de réponse, il ne douta pas. Le père Noël l’avait entendu, il en était certain. Peut-être même qu’il allait l’aider.

— Merci, murmura-t-il en refermant sa fenêtre.

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Jalan dormait à poings fermés lorsqu’un bruit étrange le tira du sommeil et le fit sursauter.

Apeuré, son premier réflexe fut d’appeler au secours, mais il s’en empêcha en pensant à sa mère. Ce n’était pas le moment de la réveiller, elle avait besoin de se reposer. Il rabattit sa couette sur sa tête et se recoucha, bien décidé à faire comme s’il n’avait rien entendu.

Quelques minutes plus tard, un cri déchira la nuit. Jalan n’avait jamais entendu un son pareil, un peu comme s’il venait d’un animal. Un étrange animal qu’il n’était pas capable d’identifier. Et ce son se répéta une fois. Puis encore une autre. Au troisième cri, l’enfant se releva de son lit et marcha prudemment jusqu’à sa fenêtre. S’il savait ce que c’était, il n’aurait plus peur. Du moins, il tentait de s’en persuader.

Essayant de faire le moins de bruit possible, il ouvrit le volet et attrapa sa petite lampe de poche, qu’il dirigea vers l’extérieur.

Il y avait quelque chose dans son jardin !

De surprise, Jalan recula. Que devait-il faire ? Il ne parvenait pas à voir de quoi il s’agissait. Même s’il n’en avait pas envie, il se dit qu’il fallait aller avertir sa maman. Elle n’aimerait sans doute pas savoir que quelque chose se promenait près de leur maison…

À pas de loup, il sortit de sa chambre et se dirigea vers celle de sa mère. Lorsqu’il fut arrivé face à celle-ci, il entrebâilla la porte, entra et s’approcha du lit.

Elle dormait à poings fermés. Devait-il vraiment la tirer du sommeil ? Il en doutait de plus en plus à chaque seconde qui passait.

Jalan lui prit la main et la regarda un instant. Non, il ne pouvait pas la réveiller, pas en sachant qu’elle n’avait presque pas fermé l’œil ces derniers jours.

— Repose-toi bien, maman, chuchota-t-il avant de repartir dans sa propre chambre pour récupérer sa lampe torche.

Il découvrirait ce qui rôdait près de chez eux tout seul !

D’une démarche rapide, rassemblant tout son courage, Jalan descendit les escaliers du premier étage jusqu’à atteindre le rez-de-chaussée et alla ouvrir la porte d’entrée. Un nouveau cri le fit sursauter. La chose s’était déplacée dans le fond du jardin.

Il éclaira dans cette direction, mais ne vit rien. Quelle que fût la nature de cette créature, elle s’était cachée derrière leur abri !

L’enfant prit une profonde inspiration. Il se devait d’être brave, il avait choisi de venir seul. Un pied après l’autre, il avança. Arrivé près de la cabane, il hésita. Pouvait-il y aller ? N’était-ce pas trop dangereux ?

— Qui est là ? se risqua-t-il à demander d’une voix tremblante, même s’il se doutait qu’il n’obtiendrait aucune réponse.

Pourtant, il en reçut bien une. Une fois de plus, un cri résonna, plaintif et désespéré. Jalan ne savait pas encore ce qu’était cette bête, mais il était certain d’une chose : elle souffrait. Il ne pouvait pas la laisser ainsi, même s’il avait peur. Sa maman lui avait toujours dit qu’il fallait aider les autres.

Prenant son courage à deux mains, il se précipita derrière l’abri et éclaira la créature.

Quelle ne fut pas sa surprise de se retrouver nez à nez avec un petit renne !

— Oh ! s’exclama-t-il.

Pour toute réponse, l’animal poussa une nouvelle plainte en se léchant la patte.

— Mais t’es blessé ! remarqua Jalan. Il faut qu’on t’soigne, mon pauvre. Comment t’es arrivé là ?

Le renne leva son museau, désignant le ciel étoilé.

— En volant ? l’interrogea l’enfant, pas sûr d’avoir compris.

L’animal hocha la tête et s’attira un cri admiratif de son jeune ami. Ce dernier réfléchit un instant, comme s’il cherchait quelque chose.

— T’es un renne du père Noël ! s’écria-t-il avant de plaquer ses mains sur sa bouche.

Il ne devait pas faire trop de bruit, sa mère dormait.

À nouveau, l’animal acquiesça.

— Waouh ! Quand maman saura ça !

Un autre cri lui rappela la souffrance du renne.

— Tu peux te lever ? lui demanda-t-il en lui caressant l’encolure.

Une fois de plus, il répondit par un hochement de museau.

— Suis-moi alors, j’vais voir si j’peux t’soigner.

Alors qu’ils se mettaient en route, Jalan ajouta :

— Mais surtout, ne fais pas de bruit, il ne faut pas éveiller maman.

Clopinant sur ces trois pattes valides, l’animal sembla encore acquiescer à ses propos. En silence, l’enfant l’aida à avancer, redoublant de prudence à l’intérieur.

Le son que produisaient les sabots de son nouvel ami sur le carrelage le rendait nerveux. Il se doutait que ça pouvait réveiller sa mère et n’était pas certain qu’elle apprécierait de voir un renne dans leur maison dans son état actuel… Il avait souvent remarqué qu’elle était de moins bonne humeur lorsqu’elle était fatiguée. Et fatiguée, elle l’était de plus en plus ces temps-ci…

— Bouge plus, finit-il par dire. J’reviens vite.

Sur ce, il remonta jusqu’à sa chambre et attrapa deux paires de grosses chaussettes en laine, celles qui étaient encore un peu grandes pour lui. Par chance, sa mère ne les rangeait pas trop haut dans son armoire ! Il redescendit et s’activa à les enfiler aux pattes du renne.

— Voilà. Maintenant, tu feras moins d’bruit.

Ensemble, ils se remirent en route.

— Ça va être dur d’grimper les escaliers pour toi, mais tu pourras dormir avec moi, personne te remarquera ! Et on l’annoncera à maman que demain. Tu vas voir, elle est très gentille ma maman !

Une fois en haut, Jalan prit quelques coussins sur son lit pour que l’animal puisse s’y installer confortablement. La montée des marches n’avait pas été des plus aisées, mais ils étaient parvenus dans sa chambre sans encombre. Il allait enfin pouvoir soigner la bête.

— J’arrive, chuchota-t-il avant de s’éclipser dans la salle de bain.

Un jour, alors qu’il s’était blessé en chutant de sa balançoire, sa maman lui avait mis une pommade sur son genou. Il savait où elle était rangée. Il attrapa un tabouret et s’y hissa pour attraper ce qu’il voulait dans l’armoire à pharmacie. Avisant une bande de tissu, il se dit que ça lui serait utile et la prit aussi. Il retourna ensuite dans sa chambre. Comme il l’espérait, le renne s’était couché. Sauf qu’il n’avait pas choisi les coussins.

— Eh ! C’est mon lit, ça ! protesta-t-il.

Il s’approcha quand même pour le soigner.

— Donne-moi ta patte.

La bête obéit.

Alors, Jalan y étala un peu de pommade avant de l’enrouler dans le tissu, priant pour que ça marche et que son nouvel ami se porte mieux.

— Voilà ! déclara-t-il avec fierté dès qu’il eut fini.

Il voulut demander au jeune animal de descendre de son lit, mais en le voyant reposer sa tête près de son membre blessé, le regard triste, il n’en eut pas le courage. Tant pis s’il avait moins de place pour cette nuit.

D’un geste doux, il lui caressa le dos.

— Je n’arrive pas à croire qu’un renne du père Noël est chez moi ! se réjouit-il.

Puis, se souvenant de l’histoire de sa maman, il ajouta :

— C’est toi, Rudolphe ?

Le mammifère releva légèrement son museau pour le secouer. Pour peu, on aurait pu penser qu’il était vexé !

— Je m’en doutais, t’as pas le nez rouge. Lequel t’es alors ? En tout cas, vous êtes maladroits, vous les rennes. D’abord Rudolphe qui s’blesse, et toi maintenant. Tu es si petit pour tirer le traîneau… Mais peut-être que tu es encore un bébé ? L’enfant d’un autre renne ?

Cette fois, la bête acquiesça.

— Je le savais ! s’écria Jalan avant de bâiller, rattrapé par la fatigue.

Il se glissa à côté de l’animal, se contorsionna pour atteindre son oreiller et se coucha. Demain, se persuada-t-il, son ami serait guéri et il pourrait le présenter à sa maman.

— Bonne nuit, murmura-t-il.

Seul un souffle chaud près de sa joue lui répondit.

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Jalan ouvrit un œil et puis l’autre. Il se tenait au bord de son lit, l’esprit embrumé par les restes de sommeil.

Les événements de la nuit lui revinrent en mémoire et il se retourna, impatient de voir si son ami allait mieux. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il se rendit compte qu’il était seul dans sa chambre. Le renne l’avait quitté…

Jalan essaya de se consoler en se disant que s’il avait pu partir, c’était que sa patte était guérie et qu’il avait fait du bon boulot. Sa maman serait fière de lui lorsqu’il le lui raconterait.

Alors qu’il se relevait, prêt à aller déjeuner, quelque chose roula de dessus son oreiller et lui toucha le dos. Surpris, il se retourna.

Une peluche !

Et pas n’importe laquelle. Une qui ne se trouvait pas dans sa chambre la veille : un petit renne. En la regardant de plus près, l’enfant remarqua qu’une de ses pattes était pansée, comme celle de son ami la veille.

Il la prit, intrigué et émerveillé à la fois. Un bout de papier dépassait du bandage du jouet ! Curieux, Jalan l’attrapa et le déroula. Malgré son jeune âge, il était plutôt doué pour la lecture. Sa maman lisait un livre avec lui et lui apprenait de nouveaux termes presque tous les jours.

Son regard fut immédiatement attiré par la signature. Quand Jalan la vit, ses yeux s’agrandirent et un sourire immense vint orner ses lèvres. Il commença alors sa lecture et se concentra pour trébucher le moins possible sur les mots plus compliqués…

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Jalan,

Merci d’avoir soigné mon plus jeune renne.

Hier soir, après s’être blessé en volant et avoir chuté dans ton jardin, mon ami a bien cru qu’il allait devoir rester dans le froid toute la nuit.

Seuls ceux qui croient encore en moi et en la magie de Noël arrivent à le voir. Il n’avait donc pas beaucoup d’espoir. Heureusement pour lui, toi, tu étais là. Grâce à toi et à ta gentillesse, il se sent déjà bien mieux.

Je tenais à te dire que ton vœu est bien venu jusqu’à moi. Les vœux des enfants sages arrivent toujours au Pôle Nord.

Je ne peux hélas rien te promettre pour ta maman, car le souhait que tu as fait ne dépend pas que de moi. Il dépend d’elle et de beaucoup d’autres choses.

Il faut qu’elle y croie pour guérir, mais je sais qu’avec toi à ses côtés, elle parviendra à se battre pour vaincre sa maladie. Ta maman t’aime beaucoup, tout comme toi tu l’aimes, et c’est le plus beau cadeau de Noël que vous pouvez vous faire.

Ne cesse jamais de croire, Jalan.

Joyeux Noël,

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Père Noël

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Ne pouvant en croire ses yeux, Jalan serra la peluche et la lettre contre son cœur, qui était envahi par un sentiment merveilleux. Un sentiment que seul Noël pouvait raviver : l’espoir.

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