Enfermé
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© Rose P. Katell (tous droits réservés)
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Peter posa son front contre ses genoux, puis soupira ; il n’en pouvait plus d’être enfermé et isolé dans cet endroit sombre. La solitude resserrait son étreinte autour de lui. Garder espoir lui était de plus en plus difficile. Un pressentiment lui affirmait qu’il ne quitterait jamais sa prison.
Il réprima un sanglot. Depuis combien de temps se trouvait-il là ? Cinq ans ? Davantage ? Il n’en avait pas la moindre idée ! L’Autre le savait, bien sûr. Hélas, l’Autre ne se souciait pas de lui. Il parvenait à peine à se rappeler sa présence…
Peter ferma les yeux. Tous deux avaient pourtant été proches. Auparavant, ils étaient presque comme des frères. Toujours d’accord, ils étaient capables de s’amuser d’un rien. Peter se remémorait encore la soirée où ils avaient bâti un château de sable, fiers tels des coqs, jusqu’à ce que la mer leur dérobe leur construction. Ou le jour où, partis en croisière, ils s’étaient persuadés d’être des aventuriers s’en allant chercher un quelconque trésor !
Mais l’Autre avait effacé cette époque bénie de sa mémoire… Il l’avait balayé tel un grain de poussière et le maintenait reclus, niant son existence. Les rares moments où il partageait son quotidien avec lui n’apportaient ni joie ni satisfaction à Peter. L’être dont il avait été si proche n’était plus que l’ombre de lui-même ; une machine organique programmée afin de travailler, manger et dormir. Chaque jour était identique au précédent, nulle note de fantaisie n’égayait sa routine, aucun rire non plus. L’imagination lui était devenue chose inconnue et ceux qui en faisaient preuve l’énervaient et le révulsaient. L’argent et l’avenir étaient les uniques valeurs qui le préoccupaient.
Non, l’Autre n’avait plus rien en commun avec le garçon qu’il avait fréquenté. Il s’agissait d’un étranger.
Rattrapé par ses souvenirs, Peter enfonça ses ongles dans la chair de ses paumes. Par quel tour était-il possible de changer autant ? L’Autre et lui avaient vécu tant d’événements ensemble ! Il lui suffisait d’ouvrir la porte aux réminiscences afin d’en ressusciter une flopée : leur voyage à la mer lorsqu’ils étaient en maternelle, leur premier jour de primaire, l’année où ils étaient partis dans un parc d’attractions, les fêtes, les balades en forêt, les sorties au cinéma, leurs premiers amours, les rires avec des amis…
Oh ! Qu’il regrettait ces épisodes de joie ! Il les chérissait plus que n’importe quoi d’autre. Désespéré par sa captivité, Peter se languissait même des mésaventures et des tracas par lesquels ils étaient passés. Abandonné à son sort, comment aurait-il réussi à ne pas y songer ? Il revivait avec une netteté étonnante l’après-midi où l’Autre s’était coincé la tête entre deux rambardes de l’escalier, les fois où ils avaient été injustement punis, les quelques heures de colle qu’ils s’étaient pris ou la période durant laquelle l’Autre avait enduré un chagrin d’amour.
Leur vie n’était alors pas facile, mais Peter aurait voulu que ces instants ne possèdent pas de fin. Une larme unique ruissela sur sa joue. Il désirait sortir d’ici, partir de sa geôle de noirceur. Il souhaitait goûter à nouveau au bonheur. Néanmoins, il avait conscience que l’Autre ne le laisserait pas s’échapper. Il était trop tard pour qu’il se souvienne de lui, beaucoup trop tard pour qu’il rouvre la porte…
L’Autre avait oublié l’enfant qui était en lui
Peter posa son front contre ses genoux, puis soupira ; il n’en pouvait plus d’être enfermé et isolé dans cet endroit sombre. La solitude resserrait son étreinte autour de lui. Garder espoir lui était de plus en plus difficile. Un pressentiment lui affirmait qu’il ne quitterait jamais sa prison.
Il réprima un sanglot. Depuis combien de temps se trouvait-il là ? Cinq ans ? Davantage ? Il n’en avait pas la moindre idée ! L’Autre le savait, bien sûr. Hélas, l’Autre ne se souciait pas de lui. Il parvenait à peine à se rappeler sa présence…
Peter ferma les yeux. Tous deux avaient pourtant été proches. Auparavant, ils étaient presque comme des frères. Toujours d’accord, ils étaient capables de s’amuser d’un rien. Peter se remémorait encore la soirée où ils avaient bâti un château de sable, fiers tels des coqs, jusqu’à ce que la mer leur dérobe leur construction. Ou le jour où, partis en croisière, ils s’étaient persuadés d’être des aventuriers s’en allant chercher un quelconque trésor !
Mais l’Autre avait effacé cette époque bénie de sa mémoire… Il l’avait balayé tel un grain de poussière et le maintenait reclus, niant son existence. Les rares moments où il partageait son quotidien avec lui n’apportaient ni joie ni satisfaction à Peter. L’être dont il avait été si proche n’était plus que l’ombre de lui-même ; une machine organique programmée afin de travailler, manger et dormir. Chaque jour était identique au précédent, nulle note de fantaisie n’égayait sa routine, aucun rire non plus. L’imagination lui était devenue chose inconnue et ceux qui en faisaient preuve l’énervaient et le révulsaient. L’argent et l’avenir étaient les uniques valeurs qui le préoccupaient.
Non, l’Autre n’avait plus rien en commun avec le garçon qu’il avait fréquenté. Il s’agissait d’un étranger.
Rattrapé par ses souvenirs, Peter enfonça ses ongles dans la chair de ses paumes. Par quel tour était-il possible de changer autant ? L’Autre et lui avaient vécu tant d’événements ensemble ! Il lui suffisait d’ouvrir la porte aux réminiscences afin d’en ressusciter une flopée : leur voyage à la mer lorsqu’ils étaient en maternelle, leur premier jour de primaire, l’année où ils étaient partis dans un parc d’attractions, les fêtes, les balades en forêt, les sorties au cinéma, leurs premiers amours, les rires avec des amis…
Oh ! Qu’il regrettait ces épisodes de joie ! Il les chérissait plus que n’importe quoi d’autre. Désespéré par sa captivité, Peter se languissait même des mésaventures et des tracas par lesquels ils étaient passés. Abandonné à son sort, comment aurait-il réussi à ne pas y songer ? Il revivait avec une netteté étonnante l’après-midi où l’Autre s’était coincé la tête entre deux rambardes de l’escalier, les fois où ils avaient été injustement punis, les quelques heures de colle qu’ils s’étaient pris ou la période durant laquelle l’Autre avait enduré un chagrin d’amour.
Leur vie n’était alors pas facile, mais Peter aurait voulu que ces instants ne possèdent pas de fin. Une larme unique ruissela sur sa joue. Il désirait sortir d’ici, partir de sa geôle de noirceur. Il souhaitait goûter à nouveau au bonheur. Néanmoins, il avait conscience que l’Autre ne le laisserait pas s’échapper. Il était trop tard pour qu’il se souvienne de lui, beaucoup trop tard pour qu’il rouvre la porte…
L’Autre avait oublié l’enfant qui était en lui.