Au temps où les fées dansaient

Au temps où les fées dansaient

Extrait gratuit : Le garçon aux fleurs

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Au temps où les fées dansaient
© Rose P. Katell (tous droits réservés)
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Illustrations : © Lineora


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Il était une fois, dans une ruelle d’une petite ville tranquille, un orphelinat. Dans celui-ci, en plus du personnel, vivait une vieille femme, connue sous le nom d’Hélène. Bien des années auparavant, elle avait élu domicile dans la plus modeste chambre de l’établissement suite à l’incendie de sa maison. Elle aimait tellement aider le personnel à s’occuper des enfants qu’elle n’en était jamais partie.

Un soir, alors que tous dormaient, plongés dans la douce obscurité de la nuit, la vieille femme, elle, veillait. Un drôle de pressentiment la tenait éveillée. Elle était convaincue que quelque chose allait se passer cette nuit même.

Elle ne se trompait pas ! En effet, aux premières heures du jour, des coups de poing se firent entendre à la porte.

Hélène n’hésita pas, elle s’y précipita.

Sur le parvis de l’orphelinat, enveloppé dans un petit couffin, se trouvait un poupon. Ne voyant personne, elle le prit délicatement dans ses bras et rentra.

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L’enfant grandit à l’orphelinat et l’on découvrit vite qu’il ne parlait pas. Malheureusement, à cause de ce handicap, le petit ne trouvait pas de famille, malgré toutes ses belles qualités. Il était en effet obéissant, souriant et très intelligent. À six ans à peine, il lisait déjà parfaitement bien.

Depuis tout jeune, l’enfant était passionné par les fleurs. Bébé, il les pointait déjà du doigt. À trois ans, il faisait des bouquets avec les fleurs dénichées dans le jardin de l’établissement et suivait Hélène quand elle arrosait les plantes.

Et à sept ans, il trouva dans l’une des chambres des surveillantes un livre sur les fleurs et leur langage et s’y intéressa de près. Il voyait là un moyen pour lui d’enfin pouvoir communiquer et de montrer ce qu’il ressentait. Il avait toujours été très doué pour dessiner, alors que son écriture était illisible. Il offrait d’ailleurs souvent des croquis à Hélène, qu’il aimait beaucoup. Comme il avait une bonne mémoire, il apprit petit à petit à reproduire chaque fleur ou plante de l’ouvrage et à retenir leurs significations. Il y travailla jour et nuit.

« Avec ça, je vais enfin pouvoir me faire comprendre ! », pensait-il naïvement.

Seulement, Mathias – tel était son nom – saisit bien vite qu’il se trompait lourdement. Il avait beau offrir ses œuvres au personnel de l’orphelinat, celui-ci se contentait de le remercier et de dire qu’il était mignon. Il n’avait que faire d’être mignon ! Il voulait juste que l’on comprenne à quel point il se sentait seul dans son mutisme…

Heureusement pour lui, après avoir reçu plusieurs dessins de sa part, Hélène se demanda pour quelle raison il ne croquait plus que des fleurs et fit des recherches. Elle comprit que le garçon tentait par là de s’exprimer et mit rapidement au point un moyen de communication. L’enfant était heureux. Au moins, une personne le comprenait ! Malheureusement, son bonheur fut de courte durée, car quelques temps plus tard, de par son grand âge, la vieille femme décéda dans son sommeil, le laissant seul et incompris de tous…

Les années passèrent sans qu’il n’y ait de changement. Alors âgé de neuf ans, Mathias résidait toujours à l’orphelinat. Il n’avait pas abandonné sa passion pour les fleurs et les dessinait toujours à tout bout de champ, bien que cela ne lui servit à rien… Personne n’essayait d’entendre ce qu’il avait à dire. Il tenta de faire avec, mais n’y parvint pas !

L’enfant n’arrivait plus à supporter cette solitude…

Un jour, il comprit que personne ici ne chercherait jamais à le comprendre, mais peut-être qu’il y avait des gens qui essayeraient, hors de l’orphelinat ? Ce fut avec ce fol espoir qu’il prit la décision de s’enfuir.

Après sa fuite, pendant plusieurs jours, il erra dans les rues, se demandant que faire. Il avait décidé de partir pour trouver une famille, mais ignorait comment s’y prendre. Il avait bien emporté son carnet à croquis, mais pour la première fois, il ne savait quelle fleur dessiner. Il était désemparé !

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Un jour, après une semaine d’errance, une femme le remarqua enfin. Elle ne lui parla pas de ses dessins, mais lui demanda son nom et s’il avait faim. L’enfant hocha juste la tête à la deuxième question. Il était affamé ! Elle le conduisit chez elle et lui prépara un bon petit plat. Voyant qu’il ne disait toujours rien, elle l’interrogea. Avait-il perdu sa langue ? Mathias baissa piteusement les yeux. Gentiment, elle lui posa une autre question. Savait-il parler ? Il lui répondit « non » d’un mouvement de tête. Elle le rassura et le cajola, lui demandant ensuite s’il avait sommeil. Une fois qu’il eut acquiescé, elle le conduisit à l’étage et le coucha. Juste avant de s’endormir, l’enfant songea qu’il aimait bien cette femme et adorerait rester avec elle.

Quand il se réveilla quelques heures plus tard, Mathias sortit de son lit et descendit l’escalier. Il voulut aller dans la cuisine retrouver la gentille dame, mais il s’arrêta en entendant sa voix. Elle était au téléphone. Curieux, le petit s’approcha et écouta. Avec effroi, il constata qu’elle parlait de lui, déclarant avoir trouvé l’enfant fugueur ! Il ne perdit pas une minute. Profitant du fait qu’elle ne pouvait pas le voir d’où elle se tenait, il marcha le plus silencieusement possible dans le vestibule, ouvrit la porte et s’enfuit. Il ne voulait pas qu’on le retrouve. Il ne voulait pas retourner dans cet orphelinat ! Même cette femme n’avait pas voulu de lui…

Aussitôt dehors, il sut qu’il devait s’éloigner le plus rapidement possible. La dame ne tarderait pas à s’apercevoir de sa fuite. De plus, si l’orphelinat avait lancé un avis de recherche, son visage devait être connu. Il fallait qu’il parte le plus loin possible. Ainsi, Mathias erra pendant des jours et des jours, s’écartant toujours un peu plus de la ville qui l’avait vu grandir. Plusieurs fois, il fut obligé de mendier pour pouvoir manger. Il commençait presque à regretter son ancien lieu de vie, mais il était trop tard pour faire marche arrière. Le garçon en venait à penser qu’il allait apprendre à vivre seul dans les rues, ne pouvant plus croire que quelqu’un voudrait un jour de lui… Ces derniers jours lui avaient enseigné que le monde était cruel et que parvenir à se faire comprendre, même pourvu d’une voix, n’était pas chose aisée.

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Un après-midi, alors qu’il dessinait des fleurs et échangeait ses croquis contre quelques pièces – il avait enfin trouvé une utilité à son don –, un homme s’arrêta devant lui et les regarda attentivement, lui et ses œuvres. Il devait avoir la quarantaine, car ses cheveux tiraient sur le poivre et sel. Mathias crut un instant qu’il allait lui acheter un dessin. Cependant, l’individu n’en fit rien. Il se contenta de lui sourire et partit.

À la surprise de l’enfant, l’homme revint quelques minutes plus tard et lui présenta une fleur. Il fut stupéfait ! Elle signifiait littéralement « je te comprends ». Serait-il possible que… ?

Ne pouvant y croire, il releva la tête et croisa le regard doux de son aîné. Ce dernier lui tendait la main ! Ému, Mathias la prit, restant tout de même méfiant. Son optimisme l’avait déserté depuis un bon moment…

L’homme l’aida à se mettre debout et lui demanda son nom. Mathias ne répondit pas, mais il ne sembla pas s’en vexer. Il lui expliqua ensuite qu’il l’observait depuis un petit temps, comprenant peu à peu son histoire au fil de ses dessins. Touché par son désespoir, il avait décidé de l’aider.

Tout en emmenant Mathias chez lui, l’individu parla de sa vie. Il était fleuriste et lui et sa femme essayaient depuis longtemps déjà d’avoir un enfant, sans résultat. Tous deux avaient perdu l’espoir d’en avoir un jour un.

Pendant plusieurs journées, le garçon vécut chez l’homme et son épouse, racontant son histoire plus en détail avec ses propres moyens. Le couple s’attacha tellement à lui qu’il décida de l’adopter.

Enfin, Mathias était compris.

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